• Compagnons, oui ou non ?

    J'ai écrit, dans les pages correspondant à Joseph Allias père et à Claudius Allias qu'ils avaient tous les deux appris leur métier de serrurier dans le cadre du compagnonnage en effectuant leur tour de France.

    Je dispose maintenant d'informations qui me permettent de tempérer ou de modifier ces affirmations.

    En cherchant sur internet  les nouveautés de sites un peu spécialisés en généalogie, j'ai trouvé que celui du Musée du Compagnonnage de Tours dispose maintenant d'un moteur de recherche permettant de trouver d'anciens compagnons. J'ai donc tapé Allias sur ce moteur et ... Bingo!! Il m'a sorti un Joseph Allias que vous voyez ci-après.

    Allias Joseph Charron

    Vous avez compris, ce n'est pas notre Joseph, mais ... si vous regardez bien la page intitulée les ancêtres Allias vous verrez que notre Joseph avait deux frères qui s'appelaient Blaise, qui ont tous deux quitté Artonne pour s'installer, le premier à Gannat comme maréchal-ferrant, le second à Saint-Myon comme charron.

    Ce dernier s'est donc établi, s'est marié et a eu un fils qu'il a appelé ... Joseph. Voilà notre homme ! En fait il a eu 2 frères plus jeunes, Jules Adrien et Julien Elie. Je suis de votre avis, on n'allait pas chercher les prénoms bien loin à cette époque yes

    Clermont le Résolu est donc un neveu de notre Joseph et un cousin de Claudius. Il a été admis comme Compagnon charron à Tours le 25/11/1883, deux mois avant ses 20 ans.

    Si vous voulez en savoir plus sur le métier de charron vous pouvez cliquer sur le lien suivant, trouvé sur le beau site Regards et vie d'Auvergne «les-metiers-et-corporations-dhier».

    - o -

    Muni de ce renseignement j'ai pris contact avec le Musée du Compagnonnage et j'ai eu plusieurs échanges avec son directeur, qui m'a bien éclairé sur le sujet.

    Il m'a indiqué tout d'abord que notre aïeul Joseph, dit Joseph le Clermont a très probablement été Compagnon du Devoir, en se basant sur son chansonnier, dont je lui ai communiqué une copie.

    Par ailleurs il m'écrit ceci :

    Je vais interroger un autre compagnon, responsable du centre de la Mémoire des compagnons à Angers. Mais il faut savoir que les CC. serruriers du Devoir constituaient une société assez peu nombreuse, discrète, dont toutes les archives ne nous sont pas parvenues ou sont encore conservées chez les compagnons, et non accessibles. Surtout pour des périodes assez anciennes comme celles des deux CC. Allias. Là encore, je vous tiens au courant de la réponse de mon correspondant.

    ...

    A toute fin utile, je vous signale que les CC. serruriers du Devoir étaient en général reçus compagnons à la St-Pierre (leur saint patron, porteur de clefs dans l’iconographie chrétienne) ou à la Noël. Ils effectuaient leur tour de France en passant par les habituelles grandes villes-sièges : Lyon, Paris, Orléans, Tours, Nantes, La Rochelle, Bordeaux, Toulouse, Marseille. Ils étaient le plus souvent reçus compagnons à Lyon, Tours, Nantes ou Bordeaux. Leurs « couleurs » (rubans) se portaient à la boutonnière.

    ...

    C’est une très bonne chose que vous ayez conservé dans votre famille les chansonniers des deux CC. serruriers Joseph et Blaise Allias. Ces documents nous renseignent sur les chansons alors chantées par les compagnons de leur métier. On en découvre toujours de nouvelles (près de 2000 ont été recensées pour les XIXe et XXe siècles). Je conserve au musée une 20e de chansonniers manuscrits de compagnons de divers métiers et ce sont des documents fort intéressants, parfois illustrés.

    ...

    La date du 21 octobre 1858 est difficile à interpréter. Elle me paraît plutôt correspondre à la  rédaction du cahier de chansons, au recopiage en un cahier de chansons dispersées (peut-être ?) sur des feuilles volantes. En tout cas il ne s’agit pas d’une date correspondant à une fête liée aux CC. serruriers du Devoir. Ce n’est pas la date de sa réception, d’une part pour la précédente raison et d’autre part parce qu’il était « âgé » à cette date ; or, les CC. serruriers étaient plutôt reçus entre 19-23, 24 ans. Ils avaient déjà derrière eux, à cet âge, plusieurs années de pratique dans leur métier car ils avaient commencé tôt leur apprentissage (13-14 ans). 

    ...

    Comme je vous l’écrivais dans un précédent mail, les archives compagnonniques sont très lacunaires ; beaucoup ont été détruites,  perdues ou dispersées au fil des décennies. Les CC. serruriers constituaient un petit corps compagnonnique, assez fermé et élitiste, qui communiquait peu avec les autres « grands » corps comme les charpentiers, les maréchaux, les charrons, les menuisiers. Souvent, d’ailleurs, leurs sièges étaient communs avec  ceux des CC. menuisiers du Devoir, et leurs usages rituels étaient similaires.

    ...

    En PJ un détail de la lithographie « Le Compagnonnage illustré » par Agricol Perdiguier (1858 : donc contemporaine de J. Allias), où sont associés un C. menuisier DD et un C. serrurier DD. Ils portent leurs « couleurs » à la boutonnière et de  petites cannes. 

    Vous trouverez ci-dessous la gravure en question :

    Compagnons du Devoir

    Il est donc probable que Joseph le Clermont ait été Compagnon Serrurier du Devoir, peut-être a-t-il été intronisé à Lyon en 1858.

    Mais le 31 Mars 2016 mon correspondant me transmettait le document suivant :

    Il n’a pas (encore) été retrouvé mention de la réception de Joseph ALLIAS à Lyon ou ailleurs, mais sur le livre de Lyon figure une mention qui pourrait bien le concerner, et que je ne vais évidemment pas ajouter à sa notice. Vous trouverez en PJ le scan de cet écrit, qui nous dit ceci :

     (Il a été décidé) « Que le Pays Joseph le Clermont Compagnon de Lyon soit écrit en renégat et en fripon et à ne jamais rentrer parmi les Compagnons ni même à être refondu pour s’être refusé à faire le Devoir et pour avoir violé les affaires des compagnons.

    Lyon, le 27 novembre 1858

    Fulcrand le Languedoc

    Louis le Berry

    Pierre le Dauphiné

    Edmond le Languedoc »

     Ce qui signifie que Joseph le Clermont a commis une faute grave : se refuser à faire le Devoir, c’est refuser d’exécuter un rite essentiel entre compagnons, une accolade fraternelle, et avoir violé les affaires des compagnons, c’est sans doute avoir divulgué les discussions des assemblées de compagnons ou des rites, qu’un compagnon jure de ne pas révéler à quiconque n’est pas compagnon.

    La sanction est sévère. Chez les serruriers DD et les menuisiers DD, être « écrit en renégat et en fripon » signifie que cette sanction est transmise dans tous les sièges du tour de France et interdit au compagnon de bénéficier des secours de sa société. Il est radié et ne peut être réintégré (« refondu »).

    Désolé de ne vous transmettre que cette information. Maintenant, que s’est-il passé au juste ? les archives sont muettes.

    Joseph le Clermont

     

    Voilà, vous en savez autant que moi, notre ancêtre a donc été radié le 27 novembre 1858.

     

    - o -

    J'ai également envoyé à mon correspondant une copie du chansonnier de Claudius Allias, et voici sa réponse :

    Merci pour l’envoi via Dropbox du chansonnier de Claudius Allias. On est en effet dans un registre différent car il n’y a aucune chanson compagnonnique. Ce qui me fait douter qu’il ait été reçu compagnon.

    Ce sont toutes des chansons profanes, comme on dit chez les compagnons, mais elles n’en sont pas moins de grand intérêt. En effet, elles attestent bien que Claudius était d’opinions républicaines, assez « engagé » (il y a une chanson sur la Commune, ce qui est rare).

    Le nombre de chansons qui circulaient au 19e s. est absolument énorme. Tout le monde se composait un petit recueil de celles qui plaisaient le plus et les interprétait à la fin des banquets et des fêtes, ou au travail. Elles reflètent une époque, ses courants de pensée, les opinions de ceux qui ont créé leur recueil.

    Les cahiers d’écolier de la 2e moitié du 19e s. étaient très souvent agrémentés d’une carte de France, pour apprendre la géographie aux enfants et les pénétrer qu’ils étaient membres d’une nation une et indivisible. Ce fut tout le travail de la IIIe République d’uniformiser les populations en faisant passer les enfants dans le moule républicain de l’école laïque et obligatoire, et en apprenant aux enfants à parler français avant leur langue provinciale.

    C’est vraiment une bonne chose que tout cela ait été conservé au sein de votre famille. Ce sont de petites miettes de la grande Histoire… Mais elles ont de la valeur !

    Je n'ai pas d'autre information pour l'instant, mais on peut douter que Claudius ait été Compagnon, surtout après la mésaventure arrivée à son père !!!

    Quoi qu'il en soit j'irai visiter le Musée du Compagnonnage lors de ma prochaine visite à Tours ! En attendant vous pouvez accéder au site internet du musée en cliquant ici museecompagnonnage.fr Pour chercher un compagnon, cliquer sur l'onglet Généalogie, puis suivre le moteur de recherche.

     

     

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